Genre, humeurs et fluides corporels : Moyen-Âge et Epoque moderne
19 mai 2016 de 9h à 17h30
Présentation
À la croisée de l’histoire de la santé, de l’histoire du corps et de celle du genre et des sexualités, cette journée d’étude a pour objet d’explorer sur une longue durée occidentale les représentations et les pratiques corporelles qui ont trait aux humeurs et aux fluides corporels. Il s’agit d’abord de s’intéresser au système de représentation du corps hérité de la médecine antique, à sa réception et à ses réinterprétations, du Moyen Âge jusqu’à la fin de l’époque moderne. Les fluides (lait, urine, semence, etc.) et les humeurs (sang, phlegme, bile, colère) prennent place dans les corpus médicaux ou pseudo-médicaux à divers titres : certains diagnostics nécessitent leur observation ; la thérapeutique consiste souvent en leur évacuation ; la diététique repose sur leur équilibre ; les théories de la génération donnent des explications sur leur participation à la fabrication du fœtus, à sa croissance puis au nourrissage du nouveau-né ; la physiognomonie se livre à des interprétations à partir du tempérament dominant de l’individu. Les foyers de fabrication des fluides et des humeurs, leur influence sur les fonctions organiques, leurs conversions internes (du sang en lait par exemple) semblent largement indépendantes de la sexuation des individus, suivant l’hypothèse avancée par Thomas Laqueur. Dans le même temps, la théorie des humeurs et des tempéraments organise la différence des corps féminin et masculin selon à la fois une dichotomie des qualités (sec/humide ; chaud/froid), et une gradation subtile et jamais véritablement stabilisée. Le même système classificatoire sert aussi à distinguer ordres sociaux, « races » et nations, traçant ainsi de labiles « régimes de genre » différenciés entre ces groupes. C’est sur cette instabilité que cette journée d’études entend revenir, en élargissant le questionnement à des objets récemment mieux explorés : le sang menstruel, les écoulements gonorrhéens, les vapeurs féminines, entre autres. On entend également apprécier, quand les sources le permettent, la perception que les hommes et les femmes ont pu avoir de leur corps à la lueur de la théorie et/ou de la pratique médicale auxquels ils étaient confrontés en tant que patient-e-s. Interrogations, angoisses et souffrances face au déséquilibre, à la rétention, à la stérilité, à la corruption ou à la dépense forment autant d’expériences qui renvoient à des représentations culturelles et symboliques du corps et de ses sécrétions. Aussi, il s’agira également de s’interroger sur les fluides et les humeurs du corps dans une démarche d’anthropologie historique, pour examiner les interdits dont ils font éventuellement l’objet ainsi que les dispositifs symboliques qui servent à en assurer la production, l’évacuation ou la purification. À partir de ces lectures croisées sur le corps et le genre, la journée d’études invite à poursuivre la recherche sur les temporalités et les modalités du processus de naturalisation des différences.
Journée d’étude co-organisée par Geneviève Bührer-Thierry (Paris 1), Didier Lett (Paris 7), Clyde Plumauzille (EHESS) et Sylvie Steinberg (EHESS)
Programme
Lieu
EHESS
Salles 40-41
190, avenue de France
75013 Paris