Présentation

-5Le groupe Genre s’inscrit dans la continuité des études développées au CRH où, à partir de 1978, un groupe de recherches s’est constitué, prenant une part déterminante dans le développement de l’histoire des femmes. Conçu comme un lieu d’échanges et de production collective de savoirs, ce groupe initial a fonctionné autour d’un séminaire commun et a ensuite laissé place à un Axe transversal consacré à l’histoire du genre qui a mené ses activités entre 2007 et 2015. Cet axe transversal renvoyait à la transversalité de l’histoire du genre elle-même qui relève aussi bien de l’histoire sociale que de l’histoire politico-institutionnelle, concernant l’ensemble des pratiques culturelles, l’histoire de la famille comme l’histoire religieuse, celle des écrits, des images, des savoirs, des arts « vivants ».

Commune à toutes les sciences humaines et sociales où elle s’est généralisée en France à partir des années 2000, la notion de genre continue de recevoir différentes acceptions (rapports sociaux de sexe, processus de distinction, construction des identités sexuées, système symbolique différenciant masculinité et féminité, processus relationnel, identités performées), s’inscrivant dans des épistémologies diverses. Le groupe Genre du CRH a pour ambition de participer aux débats et aux avancées historiographiques qui font la richesse et la fertilité de ce champ de recherches.

La position du CRH au sein de l’EHESS facilite le dialogue avec les autres disciplines présentes à l’école (sociologie, anthropologie, études artistiques et littéraires, études juridiques) ainsi que l’ouverture sur les différentes aires culturelles. Le groupe s’inscrit dans la dynamique pluridisciplinaire caractéristique de ce champ de recherche tout en attachant une grande attention aux spécificités de l’enquête historique et aux approches de longue durée.

HISTORIQUE

À partir de 1978, un groupe de recherches sur l’histoire des femmes s’est constitué au CRH autour de Cécile Dauphin, Arlette Farge, Christiane Klapisch-Zuber et Danièle Poublan. Son activité s’est centrée sur différentes réalisations importantes : la création de la première revue d’histoire des femmes en France en 1979, Pénélope ; une participation déterminante à la publication de la collection Histoire des femmes en Occident (direction de deux des volumes par Christiane Klapisch-Zuber et Arlette Farge) ; la participation au lancement de la revue Clio, histoire, femmes et sociétés en 1995 (Christiane Klapisch-Zuber). Le groupe s’est ensuite constitué autour de projets éditoriaux, écriture d’articles programmatiques et d’ouvrages collectifs, accueillant des chercheuses comme Myriam Cottias, Geneviève Fraisse, Dominique Godineau, Nancy L. Green, Danielle Haase-Dubosc, Véronique Nahum-Grappe, Yannick Ripa, Pauline Schmitt-Pantel, Danièle Voldman. De ce travail original, sont issus les deux volumes De la violence et des femmes (Paris, Albin Michel, 1997) et Séduction et sociétés (Paris, Seuil, 2001), tous deux édités par Cécile Dauphin et Arlette Farge.

Prenant la suite de ce groupe, un séminaire intitulé L’amour de l’autre : cet obscur objet du désir. XVe-XXIe siècle animé par Arlette Farge, Jocelyne Dakhlia, Christiane Klapisch-Zuber et Alessandro Stella a fonctionné de 2004 à 2008, débouchant sur un ouvrage collectif intitulé Histoires de l’amour (Paris, Bayard, 2011). Puis un Axe transversal aux autres groupes du laboratoire a été mis en place à partir du printemps 2007, dans la perspective d’être un lieu de référence pour les recherches sur le genre émanant des chercheur-e-s membres du CRH, doctorant-e-s et rattachés. Il a développé une série d’activités scientifiques, séminaire commun, journées d’études et présentations d’ouvrages à l’initiative de Laura Lee Downs, Alessandro Stella et Magali della Sudda. À partir de février 2012, Elizabeth Claire, Nancy Green, Silvia Sebastiani et Xenia Von Tippelskirch ont mis en place un Atelier d’histoire du genre, sous forme de réunions mensuelles, afin de créer un lieu de rencontre et de débat scientifique pour présenter et discuter les travaux en cours des chercheuses et chercheurs du CRH, des chercheur-e-s rattachés par délégation et des chercheur-e-s invités à l’EHESS.

Fort de ces expériences, le groupe entend à la fois mener des projets collectifs qui puissent déboucher sur une activité éditoriale et être un lieu de réception et de débats pour des propositions innovantes émanant de jeunes chercheur-e-s ou de chercheur-e-s étrangers.

Axes de recherche 

Trois domaines sont particulièrement présents dans les recherches des membres du groupe, se déclinant sur différentes périodes historiques, du Moyen Âge à l’époque contemporaine, à travers différentes aires géographiques (Europe occidentale, Méditerranée, Amériques, Inde et Asie du sud). L’approche thématique étant privilégiée, d’autres périodes et d’autres aires géographiques pourront aisément trouver leur place au sein du groupe.

  • Histoire du corps, des pratiques corporelles et des sexualités

Le corps, sinon quoi ? Une partie importante de l’historiographie du genre est depuis longtemps consacrée à l’histoire des représentations du corps et des pratiques corporelles, la notion de genre invitant à explorer la dichotomie Nature/Culture, l’évolution des conceptions savantes du corps et de ses représentations artistiques, mais aussi l’histoire de sa mise en scène en tant que corps « sexué ». Une telle perspective conduit à des mises en lien constant entre l’étude d’objets historiques précis (comme le travestissement ou la danse) et des propositions théoriques qui permettent de les étudier (ainsi de la notion de « performance »).

Connexe à ce renouvellement de l’histoire du corps, un intérêt est porté aux renouvellements de l’histoire de la sexualité sur la longue durée, avec une attention aux manifestations historiques de la domination, de la soumission, de la subversion, de la séduction, à l’histoire des normes et des pratiques sexuelles, aux formes historiques de l’exploitation et de la marchandisation du sexe, aux violences sexuelles, aux types de féminité(s) et masculinité(s) à l’œuvre dans la sexualité, et à leur mise en relation avec les formes d’organisation ou de hiérarchie sociale. L’histoire de la procréation a fait l’objet de recherches nouvelles qui explorent notamment l’histoire des fluides et humeurs corporelles ainsi que les théories et représentations de l’hérédité ou les pouvoirs du rêve et de l’imagination. Enfin, l’historiographie récente a mis l’accent sur l’importance du genre dans la formation des catégories raciales, à partir du Moyen Âge tardif, et du premier âge moderne.

  • Histoire des croyances et des pratiques religieuses, institutions religieuses et dissidences

Les croisements entre histoire religieuse et histoire du genre sont nombreux et méritent d’être étudiés de plus près. Dans la plupart des religions, et non seulement le christianisme, Écritures et interprétations des textes sacrés, gestes quotidiens et rites, usages communautaires et corpus de droit se conjuguent pour proposer des conceptions, des représentations et des imaginaires de la différence des sexes et de la sexualité. Ces ensembles de références littérales et de pratiques participent aux processus d’éducation et de construction identitaires des individus, à des formes de partage entre domaines masculin et féminin, à des symboliques attachées à l’un et l’autre sexe et prescrivent des conduites sexuelles et procréatives. Elles ont aussi une historicité. C’est à cette historicité que s’intéressent les membres du groupe portant une attention particulière aux moments de rupture et de recomposition (Réforme « grégorienne », Réformes protestantes et catholiques des XVIe et XVIIe siècles, par exemple).

Leur intérêt se porte également sur les places occupées par les hommes et les femmes dans les institutions religieuses, les formes différenciées d’accès aux savoirs théologiques, aux expressions spirituelles et mystiques des unes et des autres, ainsi qu’aux relectures contestataires d’un certain ordre des sexes et aux parcours spirituels susceptibles d’être perçus comme dissidents.

  • Histoire des migrations, des circulations et des contacts culturels, colonisation et Empires

L’introduction d’une perspective de genre dans les études historiques sur les migrations permet d’appréhender les expériences différenciées des migrantes et des migrants, les relations hommes/femmes au sein des populations migrantes, les constructions sociales, politiques et imaginaires qui sont faites des groupes migrants par les autorités, les entreprises, les structures d’accueil et d’entraide, etc. Le genre est une variable essentielle dans les processus de migration (décision, transit, installation, travail), mais la migration elle-même a un impact sur les redéfinitions du genre qui s’opèrent pendant et après l’intégration ou l’assimilation des individus ou des groupes migrants.

Plus généralement, les « régimes de genre » réels ou supposés font partie des différences les plus communément perçues comme un élément d’altérité dans les contacts, interactions et échanges culturels. Les spécificités des relations hommes/femmes, des pratiques sexuelles ou des identités sexuées sont des supports de fantasmes exotiques sur l’Autre ou prétextes au racisme et aux discriminations.

Dans l’expérience coloniale et la constitution des Empires à partir du XVIe siècle, le genre est entré en ligne de compte dans la perception des différences et la classification des groupes puis des « races » humaines au sein de différents discours (missionnaires, médicaux, scientifiques, philosophiques). Les puissances coloniales comme les acteurs de la colonisation ont mené des politiques publiques en matière de justice, de santé, de famille, d’éducation qui ont eu, incidemment ou intentionnellement, des impacts sur les relations hommes/femmes et les rôles sexués au sein des différentes populations coexistantes au sein desquelles ont circulé des idées et des représentations sur le genre, qu’elles aient été conservatrices ou émancipatrices.

Liens avec la formation

Le groupe joue un rôle dans la formation des étudiants de Master sur les questions de genre. Depuis la rentrée 2014, le séminaire commun de la spécialité Genre Politique et Sexualités de la Mention Sociologie (Études sur le genre et la sexualité : enquêtes et méthodes d’enquêtes) comprend des séances communes aux deux disciplines, histoire et sociologie, autour de thématiques pertinentes dans les deux disciplines. Il s’agit d’initier les étudiant-e-s aux recherches empiriques, aux méthodes d’enquête, au travail collectif, et aux évolutions des problématiques dans les travaux sur le genre et les sexualités.

Ce séminaire interdisciplinaire de recherche sur le genre accompagne le parcours de spécialisation en histoire du genre au sein de la spécialité Histoire & Civilisations de la mention Histoire. D’autres séminaires sont accessibles aux étudiant-e-s du Master : Questions de genre et de sexualités : approches historiques, animé par Sylvie Steinberg ; Genre et création dans l’histoire des arts vivants animé par Elizabeth Claire, Catherine Deutsch et Raphaëlle Doyon.

Le groupe souhaite mettre en place une journée annuelle de formation doctorale ouverte aux doctorant-e-s dont les travaux abordent la question du genre dans sa dimension historique.